La Police, pilier essentiel du régime soviétique

Par Guy Vinatrel
Extrait de L’U.R.S.S. concentrationnaire :
Travail forcé, esclavage en Russie Soviétique
(Spartacus, 1949)

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LA POLICE, PILIER ESSENTIEL
DU REGIME SOVIETIQUE

« Conformément aux intérêts des travailleurs et afin d’affermir le régime socialiste de l’Etat, la loi garantit aux citoyens de l’U.R.S.S. :
a) la liberté de la parole ;
b) la liberté de la presse ;
c) la liberté des réunions et des meetings ;
d) la liberté des cortèges et démonstrations de rue. »
(Article 125 de la Constitution de l’U.R.S.S.)

Garder les citoyens dans l’ignorance est bien. Les contenir dans l’obéissance est mieux. Le principe de la démocratie est l’obéissance librement consentie. Le principe du totalitarisme c’est l’obéissance imposée, la police omnipotente, l’arbitraire policier partout, la surveillance de tous les instants. La police, par la force des choses n’est plus l’auxiliaire du pouvoir mais le principal soutien social du régime. L’U.R.S.S. n’a rien inventé en ce domaine. Mais on peut dire qu’elle a considérablement amplifié.

Aux révolutionnaires professionnels de la vieille garde bolchévique (dont Staline est le seul survivant) ont peu à peu succédé les policiers professionnels. La plupart des hommes qui occupent les postes de direction politique ont passé par la police d’Etat. Ils ont pris l’habitude de tenir pour nulle la volonté de l’homme qui est sous leur coupe et ne cherchent nullement à le convaincre qu’il a tort. Descartes serait impuissant devant la matraque d’un gendarme et tous les chefs staliniens considèrent les peuples de l’U.R.S.S. avec autant de respect que le commissaire de police un inculpé.

Les dirigeants sont de formation policière

La biographie des membres du Politburo est édifiante :

Chvernik, Président de la République, chargé de mission par le Parti en 1930 dans l’Oural, en 1931 dans le bassin du Don, liquide, épure, anéantit toute la fraction de droite du syndicat des mineurs, avec l’étroite collaboration de la Guépéou.

Béria, Vice-Président du Conseil, ancien ministre de l’Intérieur et grand-maître du Guépéou, a fait toute sa carrière dans la police, en commençant par la Tchéka Géorgienne.

Kaganovitch, Vice-Président du Conseil, ancien Président du Conseil dès Ministres d’Ukraine, deux fois chargé de mission terroriste en Ukraine (avant guerre, liquidation du séparatisme ukrainien, après la guerre, liquidation des éléments nationalistes de l’ex-Ukraine polonaise).

Malenkov, Secrétaire général du P.C., Vice-Président du Conseil, grand épurateur du Parti en 1939-40 avec l’étroite collaboration évidemment de la police. C’est en tant que Secrétaire particulier de Staline qu’il a préparé les fournées des « Procès de Moscou » de si répugnante mémoire, les fameux « Procès en sorcellerie » comme disait si bien le socialiste autrichien Adler.

Andreiev, « responsable » des questions agraires auprès du Comité Central. Responsable aussi devant l’histoire des horribles méthodes de collectivisation forcée dont nous reparlerons plus loin. Le Socialisme agraire d’Andreiev ne se conçoit qu’en fonction de l’envoi de corps de police dans les villages. C’est lui qui « collectivisait » à 100 % les terres du Caucase du Nord avant même que la « ligne générale » passât par la voie des kolkhoz et ses sovkhoz.

Vorochilov, Vice-Président du Conseil sous-ordre de Djerzinsky en novembre 1917 à la Tcheka Centrale de Pétrograd. Limogé du front de guerre civile pour incapacité, sur ordre de Trotsky, dirige la Tcheka du Caucase en 1921.

Boulganine, Vice-Président du Conseil, a commencé sa carrière comme tchekiste.

Mikoyane, Vice-Président du Conseil, dirige la Tcheka de l’Azerbeïdjan en 1920, chef d’un détachement de répression à Nijni-Novgorod en 1921, « Responsable » politique et policier de la région de Rostov de 1922 à 1926.

Ainsi donc, sur les 13 membres actuels du Politburo 8 policiers. Jadis, on tenait les Javert dans des endroits obscurs et leur activité leur interdisait les hauts grades. L’U.R.S.S. concentrationnaire en a fait des hommes d’Etat. D’un pourvoyeur de bourreaux, Vichinsky, elle a fait son ministre des Affaires étrangères.

Comment s’étonner, dès lors, de l’ampleur prise par la police, véritable Etat dans l’Etat. Tous ceux qui ont longuement séjourné en U.R.S.S. n’ont pas pu ne pas observer l’importance de la police dans le régime.

« Il n’est pas légitime de permettre à une force de police de devenir trop indépendante, comme on peut l’observer en Russie. La police fédérale y est devenue si indépendante qu’elle ne confie même plus sa correspondance au service postal et télégraphique du gouvernement. En plus d’une occasion, j’ai obtenu un compartiment dans un train bondé grâce à la courtoisie de la police, qui avait réservé deux compartiments pour ses courriers, mais qui pouvait se passer d’un. » (1)

« Lorsqu’un régime dépense deux fois plus pour la police que pour tout l’ensemble des écoles, c’est toujours un signe inquiétant. Le Guépéou nage dans l’or. Il occupe les plus beaux palais en Russie. A Kuybycheff (Samara) je passe tous les jours devant le plus imposant bâtiment de la ville. C’est le siège du Guépéou avec ses casemates souterraines, ses prisons et ses bureaux luxueux.

« Partout, il y a des agents en uniforme. Tout bureau, toute salle de fabrique, tout village a quelque fonctionnaire en civil qui porte le simple nom de collaborateur. On ne les connaît pas avec certitude, on devine avec le temps qui cela peut être. S’il y a, par exemple, un renvoi de personnel et que seul reste le plus bête et le plus paresseux des sans-parti, on est à peu près certain que son rôle consiste à écouter ce qu’on dit. » (2)

L’omniprésence de la police est, en effet, un trait caractéristique de la vie soviétique.

« J’avais appris bientôt que je devais m’attendre à trouver des fonctionnaires et agents de la police partout où je travaillerais, et que je devais admettre ce qu’ils faisaient comme autorisé, sans questionner. Avec le temps, j’appris que la police fédérale avait ses agents, connus ou inconnus, dans toute entreprise soviétique, mine, fabrique, ferme collective, école supérieure ou office quelconque. » (3)

Ce fourmillement d’indicateurs a une tâche précise : la mise au pas (les Allemands disaient « Gleichschaltung ») du travailleur. La classe ouvrière s’imaginait avoir pris le pouvoir en 1917, mais les bolchéviks l’ont très exactement enchaînée.

« La police se sert presque, partout d’aides amateurs qui ont mission de rapporter les actions ou conversations suspectes de tout ordre. Il s’exerce ainsi une telle surveillance dans chaque entreprise que les citoyens soviétiques n’expriment que rarement leur vraie pensée, même lorsqu’ils sont peu nombreux, de crainte que l’un d’entre eux ne soit un agent. Tous les rapports des agents, que ceux-ci soient professionnels ou amateurs, vont apparemment au Département secret. On sait que ces agents notent même les ouvriers qui bougonnent régulièrement (4).

« La police tient un dossier sur tout ouvrier d’usine, et remonte la piste de sa carrière jusqu’au temps de la révolution, si c’est possible. Ceux qui appartiennent à un des groupes dépossédés sont marqués d’un signe noir et placés sous une surveillance constante. Quand il se produit quelque chose de sérieux, tel un incendie ou un effondrement dans une mine, la police arrête ces gens avant tout autre chose. Et, dans le cas d’un grand crime politique, la rafle prend des proportions nationales.

« Cependant, la police attribuée aux entreprises industrielles ne se contente pas de surveiller les saboteurs éventuels. Je sais, pour l’avoir observé moi-même, qu’elle organise aussi un réseau d’espions du travail. C’est un fait que tout homme qui cause du trouble parmi les ouvriers, qui réclame excessivement ou dévoile quelque tendance à critiquer le gouvernement, est susceptible de disparaître en silence. La police, dans ce cas, agit avec un grand savoir-faire, ne provoquant que rarement du grabuge. » (5)

Comme tous les pouvoirs hypertrophiés, la police finit d’ailleurs par nuire au régime autant qu’elle le sert. Si bien que l’atmosphère de la production en est complètement viciée.

« L’esprit policier est, de nature, hyper-soupçonneux et il voit des crimes délibérés là où il n’y en pas. Tant les ouvriers que les fonctionnaires sont souvent si novices, industriellement parlant, qu’il est difficile de déterminer si ledit sabotage n’est pas de la simple ignorance. Il y a eu de nombreux sabotages réels dans l’industrie soviétique, comme mon expérience me l’a montré. Mais je sais que des agents policiers, tant professionnels qu’amateurs, tiennent à présenter un beau tableau. Ils cataloguent donc sabotage chaque petite erreur, dans chaque petite branche industrielle, de sorte que les dirigeants et les ouvriers, dans toutes les industries, œuvrent au milieu d’un tourbillon policier, surtout dans les périodes de tension politique.

« Les autorités soviétiques, avec leurs forces policières surabondantes, me paraissent représenter un cercle vicieux. Plus on met d’agents dans l’industrie, plus on obtient de rapports sur des actes délictueux, et, plus les policiers font d’enquêtes, plus il y a d’à-coups dans l’industrie, parce que les producteurs sont davantage occupés à répondre aux questions de la police qu’à faire leur besogne. Quand il y a de ces à-coups, les autorités deviennent plus soupçonneuses que jamais et appointent plus d’agents. Les nouveaux agents désirent se montrer plus zélés que les anciens et instruisent leurs investigations encore plus furieusement. Ainsi, la boucle se boucle sans fin. » (6)

Le résultat en est une cascade d’injustices individuelles qui font de l’U.R.S.S. un pays où personne jamais n’est sûr du lendemain, aussi haut placé soit-il, aussi bas qu’il soit sur les barreaux de l’échelle sociale. Les ouvriers, les « maîtres du pays », comme l’annonce pompeusement la Constitution, sont à la merci du mouchard tout autant que le directeur d’usine. Faut-il citer quelques cas individuels ?

« Maxim Maximovitch Bykoff, âgé de 46 ans, manœuvre à la tannerie, ne possédant rien, membre du syndicat, est condamné à cinq ans de prison parce qu’il s’est indigné en voyant le secrétaire de cellule faire toutes sortes de présents, aux frais de la fabrique, à une jolie ouvrière. Il avait prononcé les paroles suivantes : « Qu’il fasse tous les présents qu’il voudra, mais non aux dépens du Parti. » La chose avait été sue. Quant au secrétaire, il ne lui est arrivé aucun ennui.

« Le maçon Muchanoff demande à son camarade pendant le repas de midi qu’ils prennent sur le chantier : « D’où vient que nous soyons si étroitement rationnés de beurre et de farine ? Autrefois, la Sibérie était si riche. »

« Résultat : Sans jugement, sans condamnation motivée, trois ans de travaux forcés.

« A la question de sa femme qui ne savait pas de quoi pourraient vivre leurs enfants, on répondit : « Nous ne tolérons aucune parole contre-révolutionnaire de la part des ouvriers. On doit faire son devoir sans poser de questions stupides. Un ouvrier conscient des devoirs de sa classe sait cela. Maintenant il a le temps de réfléchir. »

« Nicolaï Alexeivitch Leontieff, âgé de 34 ans, est ouvrier à la fabrique d’allumettes de Tomsk. Comme on l’examine à la sortie de la fabrique, qu’on visite ses vêtements et qu’on tâte son corps comme si on le soupçonnait d’avoir volé des allumettes — ce que font tous les ouvriers — il s’écrie : « C’est la dernière fois que je me laisse faire ça. Je ne suis pas un voleur, j’ai toujours été honnête et je ne souille pas mon nom pour quelques sales allumettes. Compris ? » Ayant dit cela, il montra le poing au contrôleur. Il fut arrêté et resta en prison quelques mois. Au bout de sept mois, sa femme reçut l’avis qu’elle pouvait lui apporter un paquet de nourriture : « Votre mari n’a plus besoin de nourriture, il est allé là où l’on envoie les mauvaises têtes de son espèce », lui dit-on quand elle arriva. » (7)

De tels cas sont innombrables. Et de quelle sécurité pourrait jouir un obscur quand les chefs de la Guépéou eux-mêmes sont susceptibles, un jour, de périr (Iagoda 1936 — Iejov 1937) eux aussi victimes d’un système qui n’épargna pas même les sommités du régime.

Le travail forcé base du régime

La nécessité de se protéger du peuple, la nécessité de le surveiller, de le contenir dans ses limites ne suffisent pas cependant à expliquer la prépondérance de la police au sein de la société soviétique. Comme tous les pouvoirs, celui-ci repose surtout sur de solides bases économiques. Le « socialisme » planifié de l’U.R.S.S. a pour base le travail forcé et, pour recruteur de main-d’œuvre la police. Main-d’œuvre gratuite qui permet d’abaisser miraculeusement les prix de revient, de concurrencer victorieusement l’économie capitaliste rivale, de proclamer avec orgueil qu’en U.R.S.S. « le chômage n’existe pas ». Dans les prisons françaises non plus, mais le gouvernement jusqu’à présent n’a pas songé encore à faire figurer ces « employés » dans la rubrique de la main-d’œuvre. Aboli en 1861 par le Tsar « libérateur » Alexandre III, l’esclavage a reparu en Russie sous le règne de Staline le Terrible. Et celui-ci n’a pas craint d’afficher, bien ouvertement, le caractère négrier de son chef de police qui, en 1943, était décoré du titre de « Héros du Travail socialiste ». Du travail forcé sans aucun doute.

Et c’est ainsi que nous voyons peu à peu se dessiner, sous nos yeux, le caractère concentrationnaire d’une société que l’on nous disait socialiste, libre et heureuse. Si les frontières sont closes, c’est pour que les esclaves ne puissent s’enfuir. Si les contacts sont évités autant que possible, c’est pour qu’on ignore, à l’étranger, le caractère féodal d’une économie soi-disant « progressiste ». De la formule « les Soviets + l’électricité = le socialisme » de Lénine on est passé à la formule « la police + le camp de concentration = le stalinisme ».

« La police soviétique a aussi des tâches constructives, comme je l’ai déjà dit. Etant donné qu’elle doit s’occuper de tous les hommes et femmes mis aux travaux forcés et que des dizaines de milliers de gens y ont été condamnés, la police dirige quelques-unes des plus grandes entreprises industrielles de la Russie. Elle a ainsi fait construire des œuvres de travaux publics, tels que le canal de la Baltique à la Mer Blanche et le canal de Moscou à la Volga ; elle a aussi fait doubler le Transsibérien sur trois mille cinq cents kilomètres, utilisant, pour ce travail, une armée d’au moins cent mille prisonniers, hommes et femmes, qui furent à la tâche sans arrêt pendant trois des rudes hivers sibériens. La police a aussi fait établir un grand nombre de chaussées, principalement de valeur stratégique, pour les camions. Elle a le pouvoir, dans ce but, aussi bien de recruter des paysans que d’employer des prisonniers. » (8)

« Les hôtes du camp, hommes et femmes, fendent du bois, construisent des canaux ou des routes, assèchent des marais, font de l’agriculture et, en Sibérie, s’occupent surtout à ouvrir de nouvelles mines. Comme ils ne reçoivent aucun salaire et sont fort mal nourris, l’affaire est excellente et il est facile de construire des palais aux dépens de ces hommes en état d’esclavage. Le nombre des détenus dans les camps est tel que, lors de l’ouverture du canal de la mer Blanche qui relie Léningrad à la mer Blanche, 240.000 hommes et femmes prisonniers dans les camps ont été amnistiés. Deux cent quarante mille ! On peut croire qu’après cela, les camps étaient dépeuplés. Loin de là, l’affluence y était si considérable que trois m’ois plus tard, le gouvernement créa une commission dont la tâche était de voir si une nouvelle amnistie serait encore possible, les camps étant terriblement surpeuplés. » (9)

Les écrivains communistes eux-mêmes ne peuvent taire la présence de cette immense main-d’œuvre servile sur le sol de l’U.R.S.S.

« Quiconque a beaucoup voyagé en U.R.S.S. a pu rencontrer ici ou là un camp de condamnés occupés à de grands travaux : creusement d’un canal, construction d’une nouveau chemin de fer, doublement des voies du Transsibérien. » (10)

GUY VINATREL

(Extrait de L’U.R.S.S. CONCENTRATIONNAIRE : TRAVAIL FORCÉ, ESCLAVAGE EN RUSSIE SOVIÉTIQUE, Cahiers Mensuels Spartacus, 2e Série N° 14, Juillet 1949, pp. 21-27.)


(1) J.-D. Littlepage, A la Recherche des mines d’or en Sibérie, Payot éditeur Paris, page 186. Spécialiste des questions aurifères, l’ingénieur américain Littlepage séjourna, plusieurs années, en U.R.S.S, à titre de technicien. Sous les ordres de Sérébriakov, commissaire du peuple à l’industrie aurifère, Littlepage avait la haute main sur toute cette industrie. Il occupait, en fait, le poste de ministre adjoint et fut décoré par le gouvernement soviétique de l’Ordre de Lénine et de l’Ordre du Travail, les plus hautes distinctions de l’U.R.S.S. Se cantonnant strictement dans son rôle de technicien, Littlepage a écrit le récit de sa vie en U.R.S.S. sans jamais juger le pays et les chefs qui l’employèrent. Il se contente de dire : « J’étais là, j’ai vu telle chose, telle chose s’est passée de mon temps ». Dans sa nudité objective, le livre de Littlepage donne de la vie soviétique intérieure un témoignage d’une telle valeur que nous nous y reporterons souvent. Le lecteur, désireux de parfaire sa documentation, pourra consulter cet ouvrage avec fruit.

(2) Ernest Jucker, En pleine vie russe, Neufchatel, édition du Griffon, 1946, page 260. Citoyen suisse, M. Jucker a séjourné, 16 ans, en U.R.S.S. comme maître d’école. Il a longuement séjourné en Sibérie et le manuel de langue anglaise qu’il composa au cours de son séjour a été adopté par la Commission de l’Instruction Publique, comme manuel d’études. Son livre se distingue par son esprit d’objectivité, son désir de ne rien avancer qui puisse ressembler à de la propagande et son attachement aux principes de la démocratie dont la Confédération Helvétique est un vivant exemple.

(3) J.-D. Littlepage, ouvrage cité, page 179.

(4) Littlepage, page 179.

(5) Littlepage, page 183.

(6) Littlepage, page 186.

(7) E. Jucher, page 193.

(8) J.-D. Littlepage, page 184.

(9) Charles Steber, la Sibérie et l’Extrême-Nord Soviétique, Payot, 1936, Paris, page 90. Charles Steber a longuement séjourné en U.R.S.S. et la présence des bagnards lui arrache des accents d’enthousiasme. A l’en croire, l’action « régénératrice par le travail » de la Guépéou atteste que « la résurrection des éléments qui font la vraie dignité de l’homme est une chose humainement possible » (p. 99).

Les S.S. prétendaient, eux aussi, régénérer l’homme et les camps de Dachau, Maïdenck, Auschwitz, Büchenwald, etc… portaient eux aussi, de triomphantes banderoles proclamant les vertus régénératrices du travail. Les nazis n’avaient rien inventé : « De l’autre côté de Kasimskaia, dans la région pré-amourienne, ce sont des « forçats » qui ont écrit sur le talus du chemin une longue inscription en lettres de pierre à la gloire du travail libérateur », écrit Charles Steber qui met les forçats entre guillemets, tant leur sort lui paraît peu justifier ce terme « occidental ». Steber qui faisait partie du groupe des idéologues communistes français de la Revue La Pensée, a été fusillé comme otage, en 1943, par les Nazis.

(10) E. Jucher, page 269.