Georges Orwell devants ses calomniateurs : Quelques observations

Éditions Ivrea/Encyclopédie des Nuisances
1997

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Le 11 juillet 1996, le quotidien anglais The Guardian faisait paraître en première page un article visant à présenter George Orwell comme un délateur. Selon ce journal, Orwell aurait proposé en 1949, peu de temps avant sa mort, « de fournir à une section du Foreign Office en relation avec les services britanniques de renseignement les noms des écrivains et des journalistes qu’il considérait comme étant des “crypto-communistes” ou des “compagnons de route”. » A l’appui de ses allégations le Guardian reproduisait une lettre de George Orwell retrouvée dans les archives du Foreign Office récemment déclassifiées.

En vérité, Orwell n’a jamais dénoncé qui que ce soit. En mars 1949, il avait reçu au sanatorium où il se trouvait la visite d’une amie proche, la belle sœur d’Arthur Kœstler, lui-même ami très proche d’Orwell. Cette amie était venue lui parler de ses activités dans le cadre de la lutte menée par le gouvernement travailliste de l’époque contre la propagande stalinienne et lui demander quelques conseils. Orwell lui avait indiqué les noms de gens dignes de confiance pour participer d’une façon ou d’une autre à une telle campagne. Il lui avait mentionné parallèlement, dans une lettre, l’existence d’un carnet où il avait noté les noms de journalistes et d’écrivains dont il fallait au contraire, selon lui, se défier, parce qu’ils soutenaient plus ou moins ouvertement la politique de Staline. C’est précisément cette lettre qui fut “découverte” dans les archives du Foreign Office et présentée comme un véritable “scoop”.

L’existence de ce carnet était parfaitement connue depuis la parution, en 1982, de la biographie de George Orwell par Bernard Crick. Pourtant, à partir de cette information, les journalistes anglais ont, par diverses extra-polations et falsifications, laissé entendre qu’Orwell aurait spontanément livré aux services du renseignement britanniques les noms de plusieurs sympathisants du régime stalinien sans évoquer, naturellement, dans quelles circonstances Orwell avait écrit cette lettre.

A la suite de ces “révélations” du Guardian, la presse française a mené une campagne de dénigrement, au cours de laquelle Orwell fut, tour à tour, accusé d’avoir été « un délateur », « un mouchard », « big Brother », « un donneur d’amis ». Nous avons voulu répondre à cette série de calomnies en rappelant quelques faits pour permettre aux lecteurs d’Orwell de se faire une véritable opinion sur cette fausse affaire de « délation ». Nous avons reproduit intégralement l’article du Guardian à l’origine de cette campagne de presse et bon nombre d’extraits d’articles parus en France sur ce sujet afin de montrer de quelle manière des “professionnels de l’information” élaborent un mensonge et le diffusent par ignorance et malveillance.