La Secte Rouge

Extraits de la préface à La Secte Rouge [La Setta Rossa] de Enzo MARTUCCI (1953).

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« Il existe deux types d’anticommunisme : le bourgeois et l’anarchiste.

Le premier est mesquin, idiot, réactionnaire. Il s’agit d’une attitude misoneiste dictée par la nécessité de préserver, à tout prix, la crainte de Dieu et la prébende du prêtre, la soumission du peuple et le privilège du capital.

C’est un curieux mélange dans lequel sont rassemblés les éléments les plus disparates allant du Programme aux principes maçonniques, de l’économie libéraliste au dirigisme de Saragat. Et tout cela n’a d’autre fondement que la crainte qui pousse à des combinaisons impossibles, à des alliances contre-nature, dans le souci d’éviter la menace d’une subversion […] laissant inchangée la substance même de la vie grégaire […].

L’anticommunisme anarchiste est cependant bien différent. Il est l’expression d’un sentiment, fortement individualiste, qui s’élève contre les hypocrisies et les chaînes du monde actuel mais qui, en même temps, cherche à empêcher l’avènement d’un avenir pire et la classification rigide des hommes dans les casernes bureaucratiques-industrielles de la société stalinienne. C’est pourquoi l’anticommunisme anarchiste est détesté de tous et la publication de ce livre a été, de diverses manières, entravée par des personnes qui, aujourd’hui, se disent férocement anti-bolcheviques mais hier, alors que leurs intérêts coïncidaient, sont arrivées au pouvoir avec les serviteurs du Kremlin. […]

Ainsi, à cause de l’action sournoise d’ennemis puissants, aucun éditeur n’aurait jamais osé publier « La Secte Rouge » et il serait resté, en tant que manuscrit, sur ma table si un ami personnel, l’architecte Vittorio Verrocchio, qui n’est pas anarchiste mais a un cœur généreux et un esprit libre et original, ne m’avait pas fourni les moyens de faire imprimer le livre. Qui, heureusement, apparaît à un moment où l’hydre bolchevique devient plus insidieuse, plus subtile, plus pénétrante et, par conséquent, plus dangereuse. […]

Après tout, le communisme reste toujours ce qu’il était, comme le montrent les récents événements en Tchécoslovaquie et en Allemagne de l’Est. Dans le premier de ces pays, une terrible réaction policière a été déclenchée contre les mineurs qui, poussés par le désespoir, se sont mis en grève pour améliorer leur situation économique et politique précaire. Et, au bout de quelques jours, à Berlin, les soldats russes ont tiré impitoyablement sur les masses laborieuses qui réclamaient du pain et la liberté. C’est le desserrage des freins promis par M. Malenkov. Et c’est le paradis soviétique où les prolétaires reçoivent du plomb dans l’estomac. […]

C’est pourquoi, face à la menace accrue du Léviathan bolchevique, je suis fier de remettre à la presse ce livre qui est un défi pour elle. Et j’espère qu’elle servira à pousser les hommes libres – s’il en existe encore – vers une attitude plus décisive de résistance au totalitarisme rouge et à toute autre forme d’autoritarisme, de couleur différente mais tout aussi néfaste pour la fluidité des individus et l’expansion de la vie. »

Enzo MARTUCCI.

La Secte Rouge [La Setta Rossa] (1953) – Extraits de la préface.